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Comment bien soigner son patrimoine en famille recomposée

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Le paysage familial français a évolué ces dernières décennies. La question du patrimoine dans un cadre recomposé est devenue cruciale pour des millions de personnes. Découvrez-en plus dans cet article.

Famille recomposée… Soigner son patrimoine

Divorce et remariage, quelle conséquence sur l’héritage ?

Le droit des successions et des libéralités (donations ou testaments) a été réformé par deux importantes lois du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006. Elles accroissent le rôle de la « volonté » pour changer les prévisions légales. Le Code civil prévoit en effet des règles très précises de dévolution successorale, c’est-à-dire de transmission des patrimoines au moment du décès. Il est cependant possible de modifier certaines d’entre elles en rédigeant un testament en bonne et due forme. Cette évolution offre ainsi davantage d’opportunités pour aménager sa succession dans le cadre d’une famille recomposée.

Quelles que soient les fluctuations du couple, notons que quelques points fixes demeurent en matière d’héritage. C’est notamment le cas de la réserve héréditaire, cette part de la succession qui doit nécessairement être transmise à certains héritiers, lesquels ne peuvent donc pas être déshérités. Il est cependant possible de léguer à la personne de son choix la part restante : la quotité disponible.

En outre, depuis la loi du 23 juin 2006, seules deux catégories d’héritiers dits « réservataires » demeurent : les descendants (enfants et petits-enfants) et sous certaines conditions le conjoint survivant.

L’égalité des enfants

Jusqu’à la loi de 2001, l’héritage des enfants dépendait des circonstances de leur naissance. En particulier, les enfants dits adultérins (nés d’un couple dont au moins l’un des membres était marié par ailleurs) disposaient de moins de droits dans la succession du parent marié. Désormais, tous les enfants ont exactement les mêmes droits de succession, à condition que la filiation soit légalement établie.

Ils ont notamment les mêmes droits au titre de la réserve héréditaire. En présence d’un enfant, la réserve représente la moitié des biens ; en présence de deux enfants, elle est des deux tiers ; elle est de trois quarts en présence de trois enfants ou plus. La personne peut léguer la quotité disponible à qui elle le souhaite, y compris à l’un ou l’autre des enfants, qui se trouvera ainsi privilégié. Dans les trois cas précités, cela correspond respectivement à la moitié, un tiers et un quart de la succession.

La protection du conjoint survivant

Les lois successives ont protégé davantage le conjoint survivant. Celui-ci est désormais héritier réservataire, mais ses droits sont différents selon que le défunt laisse ou non des enfants d’un premier lit. Si l’époux décédé en premier ne laisse que des enfants issus du second lit, le conjoint survivant peut choisir de recueillir soit la totalité des biens du défunt en usufruit (droit d’usage et de jouissance jusqu’à son propre décès), soit seulement le quart, mais en pleine propriété. En revanche, si l’époux décédé en premier laisse des enfants d’un premier lit, la situation du conjoint survivant est plus précaire : il n’a pour seule option que de recueillir un quart de la succession en pleine propriété.

Le conjoint survivant bénéficie aussi, depuis 2001, d’un droit sur le logement familial (et les meubles qui le garnissent) qu’il occupait avec son conjoint au moment du décès. Deux droits s’appliquent ici. Le conjoint survivant dispose d’abord du droit d’habiter dans le logement pendant un an à titre gratuit (mais non pas de le louer), le temps de se retourner (ce droit est d’ordre public et ne peut être supprimé par testament).

Il se voit également attribuer un droit d’occuper ce logement familial à vie (droit viager), ou même de le louer à un usage privé pour pouvoir se reloger ailleurs, et ce, à condition que le bien appartienne au conjoint survivant et/ou au conjoint prédécédé seul. Ce droit est cependant onéreux, et sa valeur est imputée sur les droits successoraux, diminués d’autant. Il est possible, avec l’accord de tous les successeurs, de réaliser une conversion en rente viagère ou en capital. Ce second droit peut être écarté par le défunt dans un testament fait devant notaire.

Pour protéger davantage le conjoint survivant, il est possible de jouer sur le régime matrimonial, ou encore de prévoir des donations au dernier vivant.

La donation-partage, une bonne idée ?

Chacun peut, de son vivant, commencer à transmettre et répartir tout ou partie de ses biens à ses enfants : jusqu’à 100 000 euros tous les 15 ans, sans avoir à payer de droits de donation, et sans que cela soit rapporté à la succession. L’égalité doit être respectée dans tous les cas. Ces donations seront en principe "rapportables" uniquement à la succession, au moment du calcul de la réserve héréditaire. Si l’un des enfants a reçu plus que sa part, il pourra être tenu d’en restituer une partie au moment de la succession.

La donation-partage est généralement réalisée avec son conjoint. Elle peut bénéficier aux enfants communs du couple, mais aussi à des enfants nés de précédentes unions : le cadre fiscal est alors favorable. Dans ce cas, la donation doit être prélevée sur les biens appartenant en commun au couple. Il est aussi possible de donner aux beaux-enfants ou à toute autre personne. Cependant, la donation se fera sur la quotité disponible avec une fiscalité « lourde ».

Tout sur la donation-partage transgénérationnelle...

Sachez qu’il est aujourd’hui possible de sauter une génération et de donner directement à ses petits-enfants : c’est la donation-partage transgénérationnelle. Les biens donnés peuvent être de toutes sortes (biens immobiliers ou mobiliers, sommes d’argent…). Cette forme de donation peut être effectuée par tout descendant ayant des enfants qui acceptent que leurs propres descendants soient gratifiés. La donation-partage donne droit pour chaque petits-enfants (majeur ou mineur émancipé) à un abattement spécifique de 31 865 € par grands-parents. Cet abattement est renouvelable tous les 15 ans (montants actualisés chaque année au 1er janvier).

Outre ce « saut de génération », la donation-partage transgénérationnelle présente deux avantages fiscaux majeurs. Tout d’abord, on comptera autant de donataires gratifiés que d’abattements. Par conséquent, dans les cas où les enfants et les petits-enfants sont associés à une même donation-partage, chaque enfant donataire bénéficie d’un abattement de 100 000 € et chaque petit-enfant bénéficiaire profite d’un abattement de 31 865 €. Cette fiscalité est la même que pour les donations ordinaires, autant au niveau des abattements que du calcul des droits.

Ensuite, cette forme de donation-partage permet de se mettre à l’abri d’une double taxation des biens transmis aux petits-enfants. A contrario, les biens recueillis par leur auteur seront taxés deux fois : au moment de la donation-partage transgénérationnelle, puis lors décès de l’enfant donataire. Les droits de donation et de succession en ligne directe sont « classiques », soit 5 % à 45 %, en fonction du montant des biens transmis. Notons enfin qu’une donation-partage transgénérationnelle effectuée au profit d’un petit-enfant, avec le consentement et à la place de son parent, n’est pas assujettie au « rappel fiscal ». En cas de décès du parent survenant moins de 15 ans après cette donation-partage, elle n’intervient pas dans le calcul des droits de succession.