L’agriculture française expérimente des « parasols » mobiles
Et si vignes et pommiers étaient ombragés par des « parasols » mobiles produisant de l’énergie solaire ? Ces ombrières photovoltaïques sont expérimentées sur quelques vergers et vignobles du bassin méditerranéen français, une zone victime du réchauffement climatique.
« Une ombrière c’est comme quand un humain a chaud et qu’il prend un parasol pour s’abriter de la chaleur. Donc la vigne, on la protège d’une grosse partie des gros coups de chaud » pour garder le même cycle de mâturation du raisin qu’il y a dix ans, explique Gautier Hugues au milieu de ses vignes, dans la terre rouge des collines provençales, à Rians (Var).
« Depuis dix ans, chaque année est pire. Aussi bien au niveau du froid de printemps que des périodes de forte chaleur sans pluie », raconte ce fils d’agriculteur.
Le constat du vigneron rejoint celui des scientifiques. Le bassin méditerranéen dans son ensemble se réchauffe 20% plus vite que le reste du monde, selon un rapport du réseau des experts méditerranéens sur le climat et le changement environnemental (MedECC). « Les extrêmes climatiques sont une menace pour le secteur agricole. Le rendement des récoltes devrait baisser dans les décennies à venir dans la plupart des zones actuelles de production (...) si aucune adaptation n’a lieu », souligne le rapport.
Gautier Hugues a donc décidé de placer des panneaux photovoltaïques coulissants au-dessus d’une petite parcelle de vigne et s’en montre satisfait. À côté, une parcelle témoin sans ombrière montre une vigne moins vigoureuse.
L’électricité produite par les panneaux est revendue au réseau, ce qui assure le paiement de l’installation. L’équilibre à trouver est complexe car une plante a besoin du soleil pour produire fleurs et fruits.
« Si vous donnez de l’ombre à une plante qui n’en n’a pas besoin c’est la catastrophe », relève Christian Davico-Pahin, un horticulteur qui a fondé Ombrea fin 2016 après avoir perdu un quart de sa récolte sur un « coup de chaud ».
L’entreprise, qui emploie une quarantaine de salariés à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) a placé des capteurs dans la vigne pour mesurer humidité, vitesse du vent, luminosité, état du sol... Toutes les 15 à 20 secondes, ces masses de données – 16 millions sur un an – sont transmises à un logiciel « qui, en les analysant, va piloter à distance les panneaux de manière à recréer un microclimat idéal », affirme Christian Davico-Pahin.
Raisins, pommes et tomates
Toujours en Provence, au cœur d’un des principaux bassins de production de pommes et poires en France, la station d’expérimentation agricole La Pugère teste depuis 2019 des ombrières mobiles sur un verger de pommiers de 700m avec la société de production d’énergie Sun’R.
« Lors des périodes caniculaires, on a jusqu’à quatre degrés de moins sur le feuillage, donc on réduit le risque de brûlure sur la feuille et le fruit », relève Vincent Lesniak, chargé d’étude à La Pugère.
« On étudie d’abord le comportement que ça peut avoir sur le végétal avant de se dire que ça devient un modèle économique viable, aussi bien pour le producteur d’énergie que pour le producteur agricole », souligne Vincent Lesniak.
Car si les ombrières mobiles permettent de limiter l’évaporation des eaux de pluie et de réduire les besoins en irrigation, l’humidité supplémentaire peut aussi parfois augmenter les risques de champignons.
Sur la dizaine d’expérimentations actuellement menées en France, pays dans « le peloton de tête sur les ombrières mobiles, il y a encore des inconnues et nous ne sommes pas sûrs de tous les bénéfices », relève Nicolas Tonnet, spécialiste énergie et innovation à l’Agence de la transition écologique (Ademe), l’établissement public encadrant ces développements.
D’où le lancement de quelque 70 nouveaux projets qui devraient être suivis sur plusieurs années par l’Ademe.
« Dans des zones où l’ensoleillement est de plus en plus fort, cet ombrage peut être intéressant pour la vigne, pour les tomates ou en arboriculture », relève Nicolas Tonnet, mais dans d’autres, manquant de luminosité, cela peut avoir des conséquences « négatives ». D’où la vigilance de l’Ademe pour que la course à l’énergie renouvelable ne grignote pas des terrains agricoles, déjà mités par l’urbanisation.
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