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Ces robots trouveront-ils place dans les exploitations céréalières ?

Ils s’appellent Senti V, Robotti ou Ag Bot et ils étaient l’une des attractions majeures du dernier salon Innov-Agri, du 7 au 9 septembre dernier à Outarville (Loiret). Ces robots ont pour mission d’aider le chef d’exploitation dans ses prises de décision et surtout d’alléger son travail. Mais il y a encore des freins, avant qu’ils n’investissent les exploitations.

Temps de lecture : 4 min

Pour Davide Rizzo, pas de doute, ces robots peuvent transformer le travail dans les exploitations agricoles, ils permettent ni plus ni moins un retour aux fondements, l’agronomie : « Avec l’agroéquipement on raisonnait puissance moteur, là on remet le sol au centre », argumente cet enseignant chercheur à l’école UniLaSalle.

Le plus petit de ces quelques engins en démonstration au dernier salon Innov-Agri s’appelle Senti V. Une étrange bestiole de quinze kilos et cinquante centimètres de large munie de deux caméras et deux grandes roues faites chacune de douze grands bâtons métalliques. Son travail consiste à arpenter la parcelle pour la scanner et indiquer la présence d’insectes, adventices et maladies. Un logiciel produit ensuite une carte intra-parcellaire avec la localisation des bio-agresseurs. Il permet aussi d’établir un suivi de besoins nutritionnels et hydriques et d’évaluer les rendements. Bref, de quoi économiser quelques tours de plaines, mais surtout d’obtenir davantage d’informations sur l’état de sa culture, pour diagnostiquer précocement les maladies et localiser les interventions. Senti V peut parcourir « jusqu’à vingt hectares par jour avec une autonomie de dix heures », promet Meropy, la start-up grenobloise qui l’a conçu. Pour un blé, le robot doit arpenter la parcelle « tous les cinq à dix jours jusqu’à ce que le blé soit cassant ».

Senti V a de quoi séduire, mais il n’est pas certain qu’il puisse trouver facilement sa place dans les exploitations françaises. Le coût, un abonnement de 5 000 € par an pour l’utiliser, est dissuasif. « C’est intéressant pour les agriculteurs qui ont plus de 150 à 200 hectares de grandes cultures, et en France, je ne connais pas beaucoup de fermes qui ont 200 hectares de blé », convient William Guitton, l’un des fondateurs de Meropy. Les clients seront donc plutôt des entreprises de travaux agricoles (ETA), des coops ou des structures qui ont des parcelles d’expérimentations.

Un porte-outils à 250 000 €

Il est un engin qui a de quoi en faire rêver plus d’un : l’Ag Bot, conçu par la start-up néerlandaise Agxeed. Un petit tracteur autonome sur chenilles guidé par GPS RTK qui promet de réaliser tous les travaux du sol avec une précision à deux centimètres, en lui attelant des outils à la norme Isobus. Agxeed paramètre à la livraison les données des parcelles (périmètre, obstacles) et l’agriculteur, pour chaque intervention, n’a plus qu’à indiquer ce qu’il souhaite.

« Tout ce qui se met derrière un tracteur peut se mettre derrière l’Ag Bot », promet Dick Van Goch, agent commercial d’Agxeed. À 10 km/h, le robot peut réaliser un chantier de 50 hectares en une journée. Les 350 litres de son réservoir lui assurent une autonomie « de 20 heures à 70% de sa puissance moteur ». La clientèle cible, ce sont les exploitations céréalières de plus de 250 hectares et les exploitations bio produisant des cultures à haute valeur ajoutée. « Il y a pas mal de Cuma et d’ETA qui peuvent acheter cela », se dit l’agent commercial d’Agxeed. L’Ag Bot n’existe pour l’instant qu’à l’état de prototype, mais c’est cette version qui sera commercialisée dans les mois à venir... au prix d’environ 250 000 euros. « Quand on paye 20 000 euros par an pour un chauffeur, cela se rentabilise vite », veut croire Dick Van Goch.

Le robot devra aussi faire ses preuves pour certains travaux comme le labour. Ses 160 cv suffiront-ils ? Des essais devraient être menés d’ici peu. Autre bémol, il ne peut pas circuler sur route, il faut le transporter d’une parcelle à l’autre avec un vrai tracteur.

Autre porte-outil autonome polyvalent, le Robotti développé par le Danois AgroIntelli. Il promet les mêmes services que le précédent, c’est-à-dire à peu près tous les travaux des champs, sauf peut-être le labour et la pulvérisation. Le robot, en forme de U, est constitué d’un moteur de chaque côté avec un outil à encastrer au centre, qui ne devra pas excéder 3,30 mètres de large. Il est théoriquement autonome pendant seize à vingt heures. Grâce à la répartition très équilibrée des charges, il permet de réduire le tassement du sol. Son poids au centimètre carré est « cinq fois inférieur à celui des tracteurs que l’on connaît », s’enthousiasme l’agronome Davide Rizzo. Contrairement à l’Ag Bot, il est déjà commercialisé. Dix-sept unités ont déjà été vendues en Europe, au prix d’environ 170 000 euros. Là encore, le prix pourrait en dissuader plus d’un.

Frein réglementaire

Les machines autonomes se heurtent à un autre frein, réglementaire celui-là. Actuellement, il est possible de travailler les champs en autonomie, mais les constructeurs préconisent la présence d’un opérateur à proximité. La directive machine qui encadre le secteur est en cours de toilettage. Certains craignent que sa prochaine version n’impose la présence obligatoire à proximité d’une machine autonome pour pouvoir intervenir à tout moment. Le robot perdrait alors tout son intérêt.

Comme pour la voiture autonome, la question de la sécurité n’est pas anodine. « En l’état actuel, c’est impossible de garantir que le robot évite tout accident, admet Davide Rizzo. Mais on n’est qu’au tout début de la robotique ».

Produire des références

Parmi les freins au développement de ces engins autonomes, l’agronome pointe aussi la « pression des constructeurs de machines » et « l’inertie du monde agricole ». Pour convaincre les agriculteurs, il faudra produire des références agronomiques précises et des indicateurs rigoureux sur le retour sur investissement. « Il faut avoir des données sur le dimensionnement des parcelles sur lesquelles déléguer des tâches, et que l’on puisse savoir exactement ce que j’obtiens par les robots par rapport à ce que je fais actuellement. L’Inrae Clermont-Ferrand et quelques instituts techniques y travaillent.
Enfin, pour un développement réel des robots, « il faudra un SAV performant », pointe Stéphane Duran, responsable de projet à Robagri, l’association lobbyiste de la robotique agricole. « Le maillage du territoire devra être aussi dense que pour le machinisme agricole, il faudra recruter des techniciens qui auront des compétences spécifiques ».

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