Agriculteurs

Une hausse des cours en cas d’aggravation de la crise ukrainienne

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Quelles seraient les conséquences, sur les marchés des céréales et des engrais, d’un conflit ouvert entre la Russie et l’Ukraine ?

La Russie et l’Ukraine, qui constituent à elles deux la première zone d’exportation mondiale de céréales, sont aux prises à des tensions importantes depuis plusieurs semaines. Si les dernières informations penchaient plutôt pour un début de détente, quelles seraient les conséquences, sur les marchés céréaliers, mais aussi ceux de l’engrais, d’un conflit ouvert ?

La crise entre la Russie et l’Ukraine a des répercussions importantes sur les cours des céréales, notamment du blé et du maïs. Les deux pays représentent en effet la première zone d’exportation de céréales dans le monde, et les tensions induisent une fluctuation inhabituelle des prix, et une accélération des livraisons et du chargement de navires chez les importateurs.

Hausse des prix de l’énergie, des matières premières

Comme l’a expliqué Marc Zribi, chef de l’unité grains et sucre de FranceAgriMer à l’issue du conseil spécialisé Marchés céréaliers le 16 février, les risques à court terme seraient importants en cas de conflit ouvert. Les prix de l’énergie et du gaz augmenteraient, et les impacts seraient importants sur l’offre et la demande mondiale en blé, maïs, et orge compte tenu du poids de ces deux pays sur ces marchés (30% des exportations mondiales en blé et orges). À noter que la Russie et l’Ukraine fournissent également 79% des exportations mondiales en huile de tournesol.

L’occupation russe de l’est de l’Ukraine pourrait priver cette dernière de 30% en orges, et jusqu’à 40% de sa production de tournesol, blé ou maïs. Ces tensions risquent donc d’impulser une nouvelle hausse des prix des matières premières agricoles, avec une mise en risque de la sécurité alimentaire de nombreux pays pour des raisons de prix, et de disponibilités, explique Marc Zribi.

Si les hauts risques de conflit concernent les ports de la mer d’Azov, qui ne représentent que 6% des volumes de produits agricoles exportés par l’Ukraine, 70% des marchandises à exporter sont acheminées par train vers les ports de la mer Noire, et seraient exposées à une très forte vulnérabilité en cas de guerre.

Une nouvelle spirale haussière du prix des engrais ?

Relatant les conclusions d’une étude d’IHS Markit, Marc Zribi alerte également sur les conséquences importantes d’un conflit ouvert sur les marchés des engrais. La Russie représente en effet 13% du commerce mondial des produits intermédiaires d’engrais et 16% des échanges d’engrais finis. Les effets seraient relativement limités sur l’ammoniac, puisque la Russie exporte 24% du total mondial mais n’en produit que 2,3%. En revanche, les conséquences seraient plus importantes en ce qui concerne le nitrate d’ammonium, notamment pour le Brésil qui achète près de 60% des volumes russes, or, la Russie représente 40% des exports mondiaux. Le pays est également un fournisseur important de phosphates, avec 17% des volumes mondiaux.

Enfin, des risques majeurs seraient à craindre pour l’approvisionnement en potasse, puisque la Russie réalise 20% du commerce mondial, tout comme le Bélarus. Brésil, Chine, Inde, Indonésie et États-Unis, qui représentent deux-tiers des importations mondiales de potasse, seraient directement impactées en cas de sanctions. « Au total, un conflit pourrait alimenter une nouvelle spirale haussière des prix des engrais, après celle subie à l’été 2021 », explique le chef de l’unité Grains et sucres de FranceAgriMer.

Une aggravation de la crise aurait également des conséquences sur les flux logistiques, entre augmentation des délais de livraison, réorientations, forte hausse du coût du fret maritime et des assurances. Elle ferait également peser sur les contrats une insécurité juridique nouvelle, avec des risques de défauts pour « force majeure » invoquée en cas de guerre. Un conflit ouvert entrainerait par ailleurs de fortes perturbations sur les circuits financiers internationaux. On risque, au final, de voir les grands importateurs revenir à des politiques d’achats de sécurisation de leurs approvisionnements en matières premières agricoles, tendant encore plus les marchés...